Un kikoolol un peu frais pour un été (oui, l’été, c’est bien jusqu’au 21 septembre), qui devrait être synonyme d'échange entre le Saint-Julien et le Bandol, mais qui tarde quelque peu à s'échauffer.
Y a plus de saisons.
Pour tout vous dire, je pense que j'ai allumé si peu de barbecues cet été que Django Reinhardt pourrait les compter sur ses seuls doigts valides. Un désastre.
Mais alors quelles nouvelles me diriez-vous ? Bonne question !
Et bien, pour paraphraser un ami somalien de longue date, il y a à boire et à manger. Outre le temps qui n’a pas l’air au courant que nous sommes bien en été, les vacances furent, comme à l’accoutumée, trop courtes. Même si l’adage veut que les plus courtes soient les meilleures, dans ce présent cas, je les préfère plutôt longues.
Des vacances comme nous les attendions, un peu fraîches, certes, mais reposantes. Oh, je ne vous ai pas oubliés, non, mais je manque cruellement de temps pour vous faire un petit coucou mensuel. J’ai donc sauté les deux mois de vacances, et aux dires de certains, je vous ai manqué.
Mais c’est la rentrée ! Rassurez-vous.
Enfin la routine rassurante, le boulot-métro-dodo, les bouchons à l’entrée de Bruxelles, cette météo qui sera enfin en concordance avec la saison, bref, un nouveau départ.
Afin de mieux le préparer (le départ, suivez un peu diantre !), je me suis dit : « Tiens, mon vieux (oui, quand je me parle, je m’appelle mon vieux, je suis assez familier avec moi-même), ne serait-il pas temps de commencer à grandir, montrer la voie de la sagesse à ton fiston, et, pourquoi pas, en acquérir un petit peu au passage ? ».
Quel programme ! De la sagesse, voilà ce qui me faisait cruellement défaut depuis tant d’années.
Les bonnes résolutions prises, je m’en allais d’étape en étape sur la voie qui allait faire de moi une lueur dans cette société sombre, tel un phare guidant les bateaux en perdition dans une mer déchaînée.
Je commençai par me débarrasser de ma voiture de coiffeur, pour prendre une voiture plus adaptée à nos contrées rustiques voire campagnardes. Un modèle doté d’un pare-buffle afin d’éviter de rayer la carrosserie avec ces cyclistes décidément trop envahissant sur nos routes en cette fin d’été. Ensuite, je me renseignais sur les méthodes pour arrêter de fumer. J’avais bien d’autres idées pour la suite, mais j’allais au devant d’une terrible catastrophe : « Quelles auraient été mes bonnes résolutions au seuil de la future année nouvelle si je les prenais toutes au milieu d’une année ? »
Fort de ce constat, je décidai d’une pause dans cette quête endiablée vers la sagesse.
Ce fût lors de cette pause que je me fis arrêter par la maréchaussée pour « vitesse inadaptée » au retour d’une dure journée de travail. Il faut avouer que la voiture de coiffeur avait tendance à pousser au delà des limites autorisées sur route ouverte.
- Papiers s’il vous plaît
- voici
- Saviez-vous à quelle vitesse vous rouliez ?
- Désolé monsieur l’agent, aucune idée. Il faut dire qu’après dix westmalles, le compteur est assez flou à mes yeux, et j’étais en train de régler le volume de mon autoradio car le bruit du rutilant V6 servant de moteur couvrait le son de la magnifique intro de Hocus Pocus que je faisais écouter au téléphone à un pote, alors vous voyez… Par contre, je sais ou je suis.
- Vous savez ou vous êtes ?
Las, cet inculte, peu aux faits des théories de mécanique quantique, ne fit pas le lien avec le principe d’incertitude.
- Ben oui.
Je me mis en tête de lui expliquer que connaissant ma position, je ne pouvais, de facto, connaître ma vitesse.
Après deux heures de théorie et d’exemples, je fus emmené au poste, ou l’on me reposa la question.
-Vous étiez à quelle vitesse ?
M’énervant devant autant de paresse intellectuelle, je protestai vivement contre cette détention arbitraire, et demandai à voir mon avocat. Après un brillant exposé de maître Folace, je fus libéré séance tenante. Avec les remerciements d’usage, un verre d’apéro, et pus rejoindre mes pénates.
C’est probablement à ce moment que je me suis réveillé, en nage, au milieu de mes draps défaits. Ma femme, réveillée par le bruit de mon cauchemar me demanda de quoi j’avais rêvé.
Après lui avoir conté ce rêve, elle me demanda : « Mais, c’est quoi cette histoire de vitesse et de position? »
Ô désespoir, le cauchemar continuait. De fait, ma femme et la mécanique quantique, c’est un peu le vide face à la matière, la singularité gravitationnelle occultée par un horizon absolu, bref, l’incompréhension totale.
Oui, cher lecteur, je vois que tu as du mal à suivre, mais la rentrée, c’est dur pour tout le monde.
Alors pour toi cher lecteur, et pour ma femme qui lit également ce blog au lieu de faire le ménage, je vais t’expliquer plus clairement cette incertitude d’Heisenberg avec un exemple facile à comprendre de tous.
A l’instar de l’expérience du chat de Schrödinger, la cuisine peut expliquer la physique quantique au quidam sachant beurrer une tartine, ou tartiner une tartine, c’est selon.
Pour l’incertitude d’Heisenberg, nous aurons besoin de chicons (ou d’endives si vous venez du pays de Voltaire), de sucre, de beurre, et, surtout : une grande bouteille de Rochefort 10 (ou toute autre bière brune à votre goût, de préférence trappiste).
Enlevez les feuilles extérieures de chicons, et coupez le cône de base en incisant l’intérieur, comme on le fait pour enlever la queue d’une tomate (pauvre tomate). C’est ce qui rend le chicon amer. Passez les sous l’eau froide, et égouttez.
Là, vous connaissez votre position : normalement, vous êtes dans la cuisine.
Ça tombe bien, le frigo est probablement à portée de main, servez-vous une Westmalle.
Faites chauffer une poêle, et mettez y le beurre. Une fois le beurre bruni (nous avons un beurre à la Carla, comme me le disait encore un pote amateur de calembours, lors d’un carbonara nocturne), disposez les chicons élégamment dedans.
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Beurre à la Carla, avec des chicons élégamment disposés |
Buvez une gorgée de Westmalle. Mais attention, pas trop vite, car vous êtes toujours dans la cuisine !
Sucrez (je mets deux cuillers a soupe de sucre). Videz la moitié de la bouteille de Rochefort sur les chicons, et couvrez.
Le feu doit être mis au minimum.
Maintenant, vous avez un petit peu de temps. Profitez-en pour faire un peu de vaisselle, question de bien montrer la bonne volonté dont vous faites preuve en tant qu’homme de science, et profitez-en pour aller voir si la réserve de caillets est suffisante pour l’hiver.
Là, une subite sensation de sécheresse prend votre gorge, vous devriez boire un coup. Mais vous n’êtes plus dans la cuisine (à moins que vous ne soyez de l’école de Copenhague, et ayez la réserve de caillets dans votre cuisine, mais vous êtes alors dans la catégorie de gens dit « bizarres »).
Bref. Première constatation : il faut vite retourner dans la cuisine.
Là, les chicons ont déjà bruni un petit peu. Il est temps de les retourner.
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Là, on est bien. |
Remettez deux cuillers de sucre, et la seconde moitié de Rochefort.
Vous avez mal au cœur. C’est normal. Septante-cinq centilitres de Rochefort 10 dans un plat, ça fait toujours un peu mal au cœur.
Tiens, profitons-en, nous sommes à portée de mains de la Westmalle. Prenez-en une rasade : vous êtes dans la cuisine.
Pris d’un doute, vous allez vérifier que vous aurez assez de Westmalles pour passer l’hiver rigoureux qui s’annonce.
Vous allez dans la cave vérifier que vous disposez bien des quarante-deux bacs nécessaires à la saison hivernale. Oui, quarante-deux.
Ce n’est pas de moi, c’est d’Arthur. Arthur Dent, pas mon fils hein.
A la vue de cette merveille architecturale composée de magnifiques bacs, vous en goûteriez bien une. Las, votre verre est resté dans la cuisine. Il faut vite y retourner, d’autant plus que les chicons doivent être à point!
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Chicons à la Heisenbergh |
Gagné ! Ils sont magnifiques. Caramélisés, d’un doux amer rappelant un Orval jeune dégusté par un temps ensoleillé sur une terrasse ardennaise.
Ils iront à merveille avec une Westmalle.
Ça tombe bien, elle est à vos cotés.
Que nous montre cette expérience ?
Que votre verre de westmalle s’est vidé pendant la cuisson ?
Que vous n’avez pas assez de caillets ?
Que la Westmalle, c’est quand même foutrement bon ?
Non. Cela démontre que nous connaissions la position de la Westmalle dans la cuisine, mais qu’à force d’aller vérifier les niveaux de caillets et des réserves, nous ne savions pas la vider si nous n’étions plus à coté d'elle.
C'est ce qu’à voulu expliquer Jean-Louis Heisenbergh: "avant de partir de la cuisine, il faut soit vider son verre, soit le prendre avec soi".
Élémentaire. Et merci, Jean-Louis.
Bon, je vais faire mes caillets, à défaut d'avoir servi aux barbecues cet été, ils ont chauffé nosse maujone.
Triste vie.
Ps: merci à l'éclusier pour la relecture.