mardi 18 juin 2013

Je t'aime le lundi, les gastéropodes aussi



Kikoolol les Zaminches !

Pour changer, ce message sera une fois de plus informatif afin d’étoffer votre culture générale, qui n’a comme point commun avec les fosses des Mariannes, que l’abyssalité.

 Trêve de Trolls et autres bavardages, je plante le décor.

 J’étais paisiblement assis à ma terrasse, sur une chaise en toile d’un confort modéré, mais au vu du temps lourd et ensoleillé de cette fin d’après midi, j’étais finalement foutrement bien.
 Je fumais à petit coups une pipe savamment fourrée d’un tabac Danois, saucé à la vanille, dont la décence et le refus du producteur de me sponsoriser afin que je citasse son nom, m’interdisent de vous en dire plus.
 J’étais nonchalamment en train d'humer ce mélange de parfums d’une fin d’après midi d’été typiquement de chez nous : les heures d’avant l’orage de beau temps.

 Ces odeurs fortes de graminés, les effluves de la lavande naissante, l’odeur des pins dans le quel le vent s’engouffrait. Tout en devisant sur le fait, que finalement, la vie n’était pas si bien foutue, car demain, je dois retourner au travail, et que je passerais bien plus de temps dehors avec un temps pareil.

 Puis je fus sorti de ma torpeur par des petits craquements.

De tous petits craquements. Comme quand vous mangez des chips, mais un à un, en prenant le temps de bien les mâcher.

 En me retournant, je vis avec effroi mon fiston écraser des escargots, qui, sentant l’orage arriver, avaient sûrement eu l’envie de prendre un peu l’air avant de se faire rincer par la pluie.
 Au nombre de gastéropodes aplatis, gisant à même le sol, le carnage était sans noms.
 J’ai maintenant une idée de ce à quoi devait ressembler le massacre de Katyn.

 Mon petit, sautant gaiement de coquille en coquille, regardant les pauvres petite bêtes se transformer d’un animal bien vivant à une espèce de masse informe gisant sur le sol dans un bouillon peu ragoutant, avait l'air de follement s'amuser.

 Ni une, ni deux, je sautai sur l’occasion (et non sur les gastéropodes, déjà moins nombreux qu’au début de la fin d’après midi susnommée).
 Allons de ce pas expliquer au petit que ce qu’il fait, ce n’est pas bien.

Enfin, essayons. 

 Expliquer le bien et le mal à un enfant de deux ans et demis, peut sembler un exercice assez débonnaire d’un premier abord, mais j’allais me casser violemment les pauvres dents qui me restent.

 Donc, dis-je, « Ce n’est pas bien !», « Stop ! ».

 Oui, les enfants en bas âge sont comme les chiens. Ils ne comprennent que les ordres courts, de préférence monosyllabiques, mais prononcés avec forte intonation.

 Il arrêta. Net. 

Son pied, faisant un angle d’approximativement quarante-cinq degrés avec le sol, le talon sur ce dernier, s’était arrêté dans le mouvement funeste, qui allait envoyer Jean-Louis-le-gastéropode dans l’au-delà de nos amis à coquilles.
Puis avec un regard de défi, le fiston en question finit le geste qu’il avait commencé.

Dans un craquement ridicule, son pied s’affaissa sur le sol. Son regard de défi se changea en regard amusé, et me répondit tout en joie : « badaboum ! ».

 Oui, les enfants en bas âge sont comme des chiens. Ils ne s’expriment que par sons courts, de préférence monosyllabiques, mais prononcés avec forte intonation.

 Je pris mon courage a deux mains, puis allais vers lui, afin de lui expliquer que son geste, bien qu’anodin, n’était pas bien vu, surtout dans une Europe vieillissante, passant son temps entre la bien-pensance flasque et peu courageuse, et les bagarres de comptoirs internes inhérentes à son fonctionnement. 
Bref, je lui fis un petit aperçu de notre société de dégénérés qui précipita notre continent dans le déclin en moins d’un siècle.

 Faisant mine de m’écouter, voire de me comprendre, tel un élève un vendredi après midi, dix minutes avant le son de la cloche le libérant pour le week-end salvateur, je continuai, lui expliquant que c’était mal.

 Mais pour comprendre le mal, je devais d’abord lui expliquer le bien. Puis, afin de ne pas éveiller en lui la simplicité médiocre des autres enfants de son âge, je me devais de lui expliquer la non-manichéanité de ce monde, et les thèmes afférents sur le « bien bien », le « bien mal », et « mal mal » et ainsi de suite...C’est vrai quoi, on peut, par exemple, être socialiste et quelqu’un de bien, non ? 
Où c’est l’inverse, je ne sais plus. 

 Bref. Après un petit laïus, il écrasa une autre bête.

Je me décidai alors de passer par la phase deux de mon plan diabolique : le prendre par les sentiments, si  tant est qu’on peut en éprouver alors qu’on ne comprend pas le bien et le mal.

Je me mis en tête de lui expliquer la mort.

 Oh, certains pensent qu’il est sûrement trop tôt pour expliquer la mort à un enfant de deux ans et demis, et que la vie se chargera bien de cette lourde tâche assez tôt. Mais si on ne veut pas que cette génération soit aussi mollassonne et naïve que les précédentes, ne nous enfonçons pas dans la médiocrité du système éducatif qui ne fait la fierté que de nos ministres de tutelle, que diable ! Prenons donc les choses en main ! Parents du monde, collègues d’éducation, aux armes ! Ne laissez pas votre enfant dans l’ignorance !

 Donc, je passai à la phase deux. La mort.

 Expliquer la mort, suppose évidemment de connaître la vie, les concepts de l’immortalité et de l’amortalité inhérents à certaines religions monothéiste, ou même, polythéistes. Et lui faire remarquer que même si on ne croit en aucune religion, on fini également par mourir. Et oui, la vie est Darwiniennement injuste. Et c'est tant mieux. Autant qu'il le sache au plus tôt.

 Je m’embarquai donc dans des explications d’un niveau raisonnablement compréhensible pour un enfant, faisant l’impasse sur certains grands points de la métaphysique contemporaine, et la totale absence de sujet quant au bien fondé ou non des religions. C'est dire l'effort consenti dans la vulgarisation.

 Cette fois, ayant compris que « gastéropode cassé, badaboum, est parti, à plus », je vis une lueur de compréhension. Oh, une faible lueur, certes. Mais une lueur quand même. Un peu la même lueur que celle d’intelligence que nous pouvons apercevoir chez un partisan de la NVA lorsqu’il supporte son équipe de football favorite à la télévision. Une lueur.

 Après m’être bien assuré qu’il eût compris le message, je me retournai.

 Crac.

 Je me retournai, prêt à lui en foutre une bonne (ah, non, c’est plus permis ça), euh, prêt à l’engueuler, quand il me regarda droit dans les yeux et me dit tout sérieusement : « ‘cargot méchant !  puni ! badaboum ! ».

Essayant de comprendre ce que ce petit nain me voulait, sentant mon courage m’abandonner peu à peu, il m’expliqua donc que ce méchant escargot n’avait eu que ce qu’il méritait.



- Il est méchant l’escargot ?

- oui

- Il t’a fait mal ?

- oui


En bon père que je suis, je lui fis un bisou magique-qui-fait-disparaître-les-bobos, puis m’en allai, exténué par cette séance de pédagogie philosophique inutile, et laissai dagibbon junior vaquer à ses occupations. Il avait quand même fini par abandonner le massacre. Sûrement plus par ennui que par culpabilité.

 En y pensant, c’est lui qui m’a quand même appris quelque chose.

Finalement, cette saloperie d’escargot avait bien pu l’agresser sauvagement lorsque j’eus le dos tourné, et le petit, pour se défendre, l’avait aplati comme une blatte. Il n’était plus là pour s’expliquer, le monstre baveux en caravane, ce Stylommatophora Hollandais. 

 Comme quoi, c’est toujours le gagnant qui écrit l’histoire.  Le petit avait raison. De toute façon, je n’aurais plus d’autres versions de cette sordide histoire.

Il a eu droit à une glace avant d’aller dormir, il m’avait finalement bien mouché.

 C’est un bon fiston ça.

Allez, on est lundi.







Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire